La route Zérotracas
30 novembre 1999
voiture 
formation 

Lors d'un stage de récupération de points.

Avant l’invention des points en 1992, le permis, c’était pour la vie. Depuis, sa validité dépend de votre conduite. Avec la nouvelle loi sur la violence routière, les radars automatiques et la multiplication des contrôles, les points s’envolent vite. En 2004, on a compté 6,42 millions de points retirés et 39 413 permis invalidés. Pourtant, il suffit de 3 ans sans infraction pour reconstituer son capital points. Mission impossible pour certains conducteurs qui préfèrent suivre volontairement un stage qui permet de récupérer 4 points. 

Pour comprendre ces stages et les participants, Zérotracas.com en a suivi un ! Reportage.

900 centres agréés par les Préfectures sont habilités à organiser des stages de récupération de points. C’est d’ailleurs la Préfecture de votre département qui pourra vous en donner la liste. Moyennant 235 € environ, on peut, en 2 journées, récupérer 4 points sur son permis ; précieux lorsqu’on en a plus qu’un ! 

Mais attention : on ne peut suivre qu’un stage tous les 2 ans. Inutile donc de penser continuer de rouler comme un fou en comptant sur les stages pour sauver son permis.

Avec 36 millions de conducteurs, dont 32 millions d’actifs, on rencontre tous les milieux et tous les âges lors des stages, dont la population varie selon la région où ils sont organisés. Parfois, lorsque les forces de l’ordre ont procédé à des contrôles systématiques, sur l’alcoolémie par exemple, les stages vont se concentrer autour de cette thématique. Le message est toujours le même : changeons notre comportement au volant.

Bienvenue à bord.

8h30. Rendez-vous près de la Place de l’Etoile chez Automobile Club Action+. Le formateur et la psychologue, binôme d’animateurs obligatoire de ces stages, accueillent les participants.

Ils sont 12, dont 2 femmes, âgés de 30 à 65 ans et, pour l’écrasante majorité d’entre eux, cadres supérieurs, patrons de PME ou gérants de société, qui ne sont pas dépaysés dans cette salle de réunion avec café et bouteilles d’eau. 8 personnes sont absentes ; tant pis pour elles, elles ne récupéreront pas de points. Une troisième femme arrive en retard.  Les animateurs l’acceptent de justesse et préviennent : la présence aux 16 heures de formation réparties sur deux jours est obligatoire. Il n’y aura aucune dérogation car il importe de se rendre disponible. Pas de portable, ni au volant, ni ici.

Chacun prend place autour une table en U, face aux deux animateurs qui se présentent. Ils ne sont pas fonctionnaires, mais diplômés de l’Ecole Nationale de Sécurité Routière (ENSR), fondée en 1981. En outre, Joël, ancien pilote moto et passionné de voitures anciennes, est également formateur d’auto-école et consultant sur les risques routiers en entreprise. Elodie est psycho-clinicienne, elle travaille avec le SAMU et vit avec un pompier. Les accidents, elle connaît !

Joël s’assure que les participants sont bien en mesure de suivre un stage et qu’il leur reste au moins un point sur leur permis de conduire. Dans le cas contraire, le stage ne servirait à rien.

Premier tour de table.

Après quelques rappels autour de la loi, que tout le monde ignore, et du fonctionnement du permis à points (12 ou 6 pour le permis probatoire), Joël lance le tour de table. Nos cols-blancs, policés, diplômés, responsables, se muent alors en clients du café du commerce. « Les flics sont partout ! », « L’état nous pressurise », « C’est impossible de respecter les lois »,  « Les radars, c’est pour piquer du fric », «  Ne pas mettre ma ceinture, c’est ma liberté individuelle ! ». Les banalités pleuvent, parfois avec virulence, niant le coût social et humain de l’insécurité routière.

« Vous n’êtes pas content et c’est normal, les calme Joël, mais notre objectif, c’est de ne pas vous revoir. Pas de vous apprendre à conduire, mais de changer votre façon de conduire. »

Chacun est invité à se présenter : son “CV“ routier (date de permis, nombre de kilomètres par an, accident, profession, définition de sa façon de conduire…), ce qu’il trouve dangereux et pourquoi il est ici.

Que des victimes ! À l’exception des deux plus jeunes hommes et d’une femme, tous se définissent comme de bons conducteurs, victimes du zèle de la police et de la cupidité de l’Etat. « La plupart des responsables d’accident se jugent bons conducteurs », ironise Elodie en relevant que l’un d’eux a failli tuer un motard lors du franchissement de ligne blanche qui l’a conduit ici. Pour les autres, c’est la vitesse, souvent, les feux parfois ou le téléphone.
L’expérience des deux animateurs fissure rapidement la morgue des plus revendicatifs et pointent les contradictions. Beaucoup sont multirécidivistes, certains en sont à leur deuxième stage et le permis de quelques uns ne tient plus qu’à un point. La pause déjeuner va permettre aux esprits de se calmer.

Parlons chiffres.

Le matin, chacun a listé les dangers de la route : les camions, les 2-roues, le téléphone, la météo, la vitesse, l’absence de clignotant… « Beaucoup les autres, jamais vous, et rarement le non-respect des règles », s’amuse Joël.

Alors on étudie quelques chiffres, que les stagiaires doivent commenter. Pourquoi y a t-il plus de tués la nuit que le jour ? On roule moins, certes, mais plus vite. Pourquoi un tiers des accidents mortels sur autoroute est-il du a l’endormissement ? Parce qu’il n’y a pas de freinage avant le choc. Parfois, un spot publicitaire français ou étranger – beaucoup plus spectaculaire et violent – illustrent le propos.

L’ambiance est devenue plus calme, moins revendicative. Au passage, les animateurs font tomber certaines certitudes machistes : 47% des kilomètres sont parcourus par des femmes et pourtant, 76% des stagiaires sont des hommes.

Joël prolonge ce constat : « Les gens qui perdent le plus de points ne sont pas les plus gros rouleurs, mais ceux qui passent le plus de temps en infraction ». Le silence qui suit cette sentence laisse entendre qu’elle tombe juste.

Le problème de la loi et de l’oubli.

Joël projette sur l’écran la courbe de l’accidentologie sur les 40 dernières années et attend les commentaires. Jusqu’en 1972, avant les lois sur les limitations de vitesse ou l’obligation du port de la ceinture obligatoire, les courbes de la circulation et des tués grimpent ensemble pour culminer à 16000 tués par an !

Ensuite, alors que la circulation augmente sans cesse, le nombre des tués diminue. En 2004, avec les nouvelles mesures tant décriées par nos stagiaires, il n’y a “plus“ qu’environ 5500 morts. Tout le monde en convient : la législation fonctionne. Et, malheureusement, la répression y est pour beaucoup, même si les progrès des automobiles et des infrastructures jouent aussi un rôle.

Retour en arrière. Lorsque nos stagiaires ont passé le permis, pour certains dans les années 60, les choses étaient plus simples : il suffisait de connaître les panneaux et de savoir se servir d’une voiture. L’un des stagiaires confirme : « Moi, je suis venu passer mon permis avec ma voiture ».

Le permis est un référentiel : des connaissances partagées permettant de se déplacer dans un espace commun. Pendant des années, l’état a fichu une paix royale aux automobilistes ; qui ont oublié le référentiel et les règles, adaptant leur conduite aux usages : si personne ne respecte ce feu rouge, pourquoi devrais-je m’arrêter ?
Lorsque la loi s’est durcie, les mauvaises habitudes étaient prises et les points se sont envolés.

Petit à petit, les stagiaires prennent confiance et s’ouvrent. C’est vrai que souvent, pris par le stress de la vie moderne, ils perdent les bons réflexes pour gagner quelques secondes ridicules.

Les certitudes sont ébranlées et l’arrogance des plus vindicatifs baisse d’un ton. La journée s’achève et rendez-vous le lendemain. « A l’heure », précise Joël. On se salue et chacun consulte son portable avec fébrilité.

Qu’est ce qu’un accident ?

On retrouve les mêmes, à l’heure, le lendemain.
La journée va être consacrée à l’étude des cas concrets d’accidents.
Joël raconte quelques histoires édifiantes : le commercial qui téléphone au volant pour se tenir éveillé, l’homme qui enlève son manteau et finit dans le décor.
Pas toujours de grosses fautes, mais des inattentions, des mauvaises habitudes, trop d’assurance, de choses à faire et pas assez de sens des responsabilités.

Elodie aborde des notions de psycho-physiologie : la perception, la vision, le temps de réaction… On parle aussi psychique, force d’inertie, distances de freinage.  L’idée est de replacer les stagiaires dans un véhicule pour les amener à mieux se projeter dans l’exercice suivant.

À l’aide de plans très précis, les stagiaires vont devoir analyser de vrais accidents et tenter d’en comprendre le « pourquoi ? ».

Moto contre voiture, accident de priorité… Plusieurs cas sont décortiqués. Evidemment, tous les accidents sont la conséquence de plusieurs facteurs, mais, parmi eux, il y a presque toujours une infraction.
Les réactions des stagiaires ne surprennent pas les animateurs. Au contraire, elles les ravissent : des cas particuliers, on arrive au général. Les échanges sont constructifs et nos stagiaires semblent prendre conscience des dangers. Unanimement, ils demandent plus de répression, notamment pour la vitesse et la conduite sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool.

Les animateurs les rassurent : « Vous n’êtes pas des délinquants permanents ; ceux là ne vivent pas vieux. Mais vous êtes la masse des accidents de la route. 81% des accidents mortels sont causés par des personnes ayant 50% de bonus. »

Il est temps de conclure.

Finalement, ces deux jours de formation sont passés assez vite. Les stagiaires qui arrivent énervés repartent globalement satisfaits. Leurs 4 points seront crédités sur leur permis dès le lendemain, mais à part ça ? « Je me sens plus zen au volant » nous dit une stagiaire. « Ce que j’en retiens, c’est qu’il faut que je change mon organisation » déclare un autre. « J’ai appris des choses et surtout à me poser des questions » concède un troisième. D’autres demeurent manifestement imperméables aux consignes. Tant pis pour eux, ils reviendront…
Pour conclure, les animateurs posent les dernières questions : que vaut un permis ? Il faut le mettre dans la balance face à deux données qui permettent de le conserver : le comportement et l’organisation. Il faut changer beaucoup l’un et un peu l’autre. C’est la morale du stage.
 
Elodie, la psychologue, est parfois dubitative et ne croit pas au repentir de certains participants.
« Les stages sont tous différents, confirme Joël, on s’adapte à notre auditoire, en fonction de son profil et des infractions commises ».

Les stages de récupération de points comme prolongement de la formation égalitaire et adaptée ? « Oui, confirme Elodie. Les stages ont un rôle citoyen. Pourtant, s’ils étaient gratuits, personne ne viendrait. »

Dommage.

 

 

 

 

 

 

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Un grand merci à toute l'équipe Automobile Club Action+ de Paris

Pour tout renseignement sur leurs stages de récupération de points :
 
téléphonez au
0820 00 25 15 (0,118 €/mn)

ou  adressez un mail

ou consultez leur site Internet

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